Geschiedenis

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Histoire de l'abbaye de Cluny

Grand cloître de l'abbaye de Cluny

Découvrez les vestiges d'un centre spirituel, siège du plus grand ordre monastique médiéval d'Occident !

Les origines de Cluny

La villa carolingienne

Il y a plus de 1000 ans et dans un contexte de déclin et d’invasions du royaume des Francs, Guillaume dit « le Pieux », duc d’Aquitaine et comte de Mâcon, fait don d’une villa carolingienne   pour y édifier une abbaye placée sous la protection de Saint Pierre et Saint Paul.  

Sans doute désireux de s’assurer, à lui et à ses proches, le salut éternel, il y fonde, par la charte du 11 septembre 910, un monastère censé revenir aux valeurs de la rigueur de l’époque carolingienne.

En effet, le texte précise que les moines vivront sous la règle de Saint Benoît.  Elle se présente sous la forme d’un petit livre divisé en 73 chapitres qui rythme la vie monastique, permettant la bonne marche de la communauté.

À l’origine, cette villa installée à proximité de la rivière de la Grôsne, s’ordonnait comme une villa de l’Antiquité. Elle comprenait une petite chapelle, des vignes, des vergers, des prés, des bois, des moulins et même des plans d’eau.

Le domaine de Cluny est donc bien plus ancien qu'on ne le croit puisqu'il existait bien avant la fondation même de l’abbaye ! 

Villa carolingienne
La villa carolingienne

© On Situ / Centre des monuments nationaux

La fondation du monastère

Guillaume le Pieux choisi alors le premier abbé pour l'abbaye de Cluny : il s'agira de l'abbé Bernon (910-926). Il précise ensuite que :

Les moines auront le pouvoir et la liberté de choisir comme abbé un religieux de leur ordre selon la volonté de Dieu sans qu’une quelconque opposition ne puisse empêcher cette élection. 

Il place ainsi l’abbaye directement sous l’autorité du pape et grâce à de nombreuses ressources liées à cette donation, il promet aux moines clunisiens un bel avenir !

Le choix de l’abbé Bernon pour diriger Cluny n’est pas anodin. En effet, son expérience passée devait contribuer à la réussite du projet d’un idéal monastique. Ancien moine bénédictin, Bernon est déjà à la tête des abbayes de Gigny et de Baume-les-Messieurs, dans le Jura. 

Le pari paye car rapidement, le réseau clunisien s’étend au-delà du domaine. On assiste à un développement des dépendances et des prieurés. La construction de la première grande église de Cluny est amorcée !

Abbaye de Cluny vers 1100
L'abbaye de Cluny, vers 1100

© On Situ / Centre des monuments nationaux

La grande Abbaye de Cluny

L’apogée du plus grand ordre monastique d’Occident (XIIe siècle)

Plus tard, l’abbé Odon (878-942), grâce à ses relations d’amitié avec la maison royale de Bourgogne et avec l’empire, fait de Cluny un pôle de diffusion de cet idéal. Les privilèges continuent car en 931, le pape Jean XI accorde à Cluny le privilège de prendre en charge tout autre monastère prêt à suivre le modèle bénédictin . 

Dès lors, commence l'essor du « système clunisien ». Les abbés de Cluny sont appelés à réformer partout en Europe et l’abbaye reçoit plus de 80 donations dans ses environs !

L'abbé Odilon (994-1048), quant à lui, poursuit la politique d’expansion et de réforme des précédents abbés. Cluny devient un modèle pour de nombreux monastères. Il marquera l’histoire de Cluny en instaurant la date du 2 novembre comme le jour où tous les prêtres célèbrent des messes en privé pour le repos de toutes les âmes. Cette fête des morts fait toujours partie du calendrier chrétien et a fait de Cluny un lieu significatif du culte des défunts ! 

Croquis de la nef de l'abbaye
Croquis de la nef de la Maior ecclesia

© Centre des monuments nationaux

La construction de la Maior ecclesia

En 1049, l'abbé Hugues de Semur succède à l’abbé Odilon pour une jolie durée de soixante années. À l’image de ses charismatiques prédécesseurs, l’abbé met toute son énergie et sa détermination à promouvoir la grande église bourguignonne.

En 1088, il projette la construction d’une nouvelle abbatiale toujours plus grande et qui représentera la puissance de Dieu sur terre, mais également la puissance de Cluny. L’église du pape, Saint-Pierre de Rome, est alors le modèle à imiter et même à surpasser ! Ce sera chose faite car jusqu’au XVIe siècle, c’est-à-dire pendant près de 400 ans, cette Maior ecclesia dont les voûtes   culminent à plus de 30 mètres restera la plus vaste église de la chrétienté occidentale.

Rien n’est trop beau pour Cluny, l’abbé réunira les meilleures équipes d’ouvriers, de sculpteurs et de peintres pour travailler à ce chef-d’œuvre de l’art roman  .

Le saviez-vous ? 

Le premier roman apparaît vers le début du Xe siècle puis le second autour du XIe siècle. 

Les édifices romans sont marqués à l’intérieur par des éléments architecturaux massifs et très austères, par de petites ouvertures et des arcades fermées. Les sculptures romanes évoquent de nombreuses scènes bibliques, le plus souvent sur les chapiteaux des piliers et les tympans des portails des églises.

Dessin de l'abbaye de Cluny au XIIe siècle d'après une hypothèse de restitution de K.J Conant
Dessin de l'abbaye de Cluny au XIIe siècle d'après une hypothèse de restitution de K.J Conant

© Centre des monuments nationaux

Comment est né ce projet gigantesque ?

Le projet de la Maioro ecclesia aurait été révélé par Saint Pierre à un moine du nom de Gunzo. Le saint apôtre serait apparu au moine, âgé et malade, et lui aurait demandé de se rendre auprès de l’abbé Hugues afin qu’il reconstruise une église plus grande pour « accueillir dignement la communauté que ne cessait de croître ». 

Saint Pierre aurait précisé qu’il pourvoirait à toute chose nécessaire à cette œuvre et que Gunzo gagnerait sept ans de vie pour accomplir sa tâche. En revanche, si l’abbé tardait à obéir, il se verrait affligé des mêmes maux que son messager. Saint Pierre lui aurait également montré la manière d’édifier l’église, puis Gunzo se serait vu en songe tendre lui-même des cordes et délimiter l’espace en longueur et en largeur.

Consécration de l’autel majeur de Cluny III par le pape Urbain II le 25 octobre 1095
Consécration de l’autel majeur de Cluny III par le pape Urbain II le 25 octobre 1095

© BNF, Mss, ms. Lat 17716 fol.91

Les derniers grands moments

Jean de Bourbon, le dernier grand abbé !

Après une nouvelle période trouble, l’abbatiat de Jean de Bourbon (1456-1485), évêque du Puy-en-Velay, correspond aux derniers grands moments de l’histoire de l’abbaye de Cluny.  

En effet, l’histoire retient son nom notamment en raison de l’excellence de sa gestion et de la restauration de la discipline durant son abbatiat. Constatant une dégradation dans « le port de l’habit régulier, la nourriture, l’observance des jeunes, l’honnêteté des mœurs et la célébration du service divin », l’abbé y remédie par une sévère réforme prônant l’obéissance, la vie commune dans le cloître et la pauvreté individuelle. 

En 1485, il renonce à ses fonctions en faveur de Jacques d’Amboise qui tentera de poursuivre les réformes engagées et il élèvera à son tour un palais abbatial.

Façade du Palais Jean de Bourbon (actuel musée d'art et d'archéologie de Cluny )
Façade du Palais Jean de Bourbon (actuel musée d'art et d'archéologie de Cluny)

© Patrick Tourneboeuf / Centre des monuments nationaux

La Révolution et la destruction de l’abbaye...

Des abbés illustres se succéderont à la tête de l'abbaye pendant les siècles suivants, comme Richelieu ou Mazarin, mais rien n'arrêtera le déclin progressif de la puissante abbaye. Pourtant, vers 1750, on reconstruit les bâtiments conventuels   et on dote ainsi l'abbaye d'un vaste complexe de style classique reposant sur trois piliers : la qualité, l’élégance et l’équilibre. 

En réalité, on assiste à la disparition quasi complète des bâtiments du Moyen Âge au profit d’une nouvelle conception architecturale.

Les moines n'auront guère le temps d'occuper les lieux car la Révolution éclate peu de temps après les travaux. En effet, elle met un terme à la vie monastique à Cluny. Le 25 octobre 1791, une dernière messe est célébrée dans l’église abbatiale en présence de douze moines. Les moines sont ensuite expulsés et dispersés dans les paroisses environnantes. 

Après cette expulsion des religieux, la ville assiste à la dégradation systématique du monastère abandonné et les pillages contribuent à sa destruction. En 1798, les bâtiments sont saisis comme biens nationaux et mis en vente. 

L’abbaye est alors divisée en quatre lots par deux rues perpendiculaires. Les lots sont bradés pour la somme de 60 000 francs à des marchands du mâconnais. L'immense église est alors achetée par des marchands de matériaux qui l'utiliseront comme carrière de pierre et démantèleront peu à peu ce chef-d'œuvre de l'art roman !

Croquis de l'abbaye de Cluny au XIXe siècle
Croquis de l'abbaye de Cluny au XIXe siècle

© Centre des monuments nationaux

Sur les pas de Kenneth John Conant (XIXe siècle)

Un Américain à Cluny

C’est en 1928 que commencent réellement les premières investigations sur le site de l’abbaye de Cluny, conduites par un brillant spécialiste américain de l’architecture médiévale, Kenneth John Conant (1894-1984), et financées par la Medieval Academy of America. 

Presque tous les ans jusqu’en 1938, le jeune archéologue réalise des sondages et des tranchées, afin de vérifier le plan de la grande église de Cluny et des constructions qui l’ont précédée. 

Bon dessinateur, il va documenter chaque jour ses découvertes par des dessins et des photographies qui lui permettent de proposer des plans par périodes et des restitutions très détaillées dans une synthèse publiée en 1968 à Mâcon.

Abbaye de Cluny depuis l'avant nef
Avant-nef de l'abbaye de Cluny (aujourd'hui)

© David Bordes / Centre des monuments nationaux

À la conquête du XXIe siècle

Les nouveaux outils numériques du parcours

Le Centre des monuments nationaux, a réuni autour d'un projet pluridisciplinaire ingénieurs, historiens de l’art, archéologues et géographes, afin de faire revivre virtuellement l’église abbatiale de Cluny telle qu’elle était au XIIe siècle

Conjuguant réalité virtuelle et réalité augmentée, ces outils de médiation disséminés sur le parcours de visite sont également des instruments de recherche permettant de vérifier et de valider des hypothèses sur les méthodes de construction, les couleurs d’origine...

Le saviez-vous ? 

Des reconstitutions numériques, des bornes de réalité augmentée et un film 3D permettent de présenter sur une même image les vestiges encore visibles et les éléments disparus. Il s’agit ainsi de faciliter la compréhension immédiate du site, profondément amputé par l’histoire. Les écrans agissent ainsi telles des fenêtres révélant le passé au présent ! 

Le monument aujourd’hui

Aujourd'hui, les vestiges qui nous sont parvenus comme le grand transept ou encore le petit transept nous donnent une idée de l'immensité de cet édifice. De nombreux autres éléments sont parvenus jusqu'à nous : le mur d'enceinte et ses tours, les bâtiments conventuels du XVIIIe siècle, le Farinier, bâtiment du XIIIe siècle qui abrite aujourd'hui les chapiteaux du rond-point du chœur de la Maior ecclesia. 

Le Musée d'art et d'archéologie présente de nombreux vestiges sculptés de l'église et du bourg monastique. 

L'abbaye est classée au titre des monuments historiques depuis 1862.

Salle capitulaire et ses outils numériques
Salle capitulaire et ses outils numériques

© Patrick Tourneboeuf- Centre des monuments nationaux

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